
Une recherche, publiée récemment dans la revue scientifique de référence Management Decision, permet de mieux appréhender la relation entre les signaux de réputation formels et informels, la confiance des parties prenantes et leur intention de faire un don. Cette étude expérimentale s’est concentrée sur l’environnement spécifique des organismes sans but lucratif (OSBL), mais ses implications visent un public élargi.
Interview de Subhan Shahid, doctorant au sein de l'équipe Entrepreneuriat et Innovation de Grenoble École de Management. Ses domaines de recherche portent sur la compréhension des dynamiques de sortie entrepreneuriale, en particulier les facteurs psychologiques et comportementaux comme les motivations personnelles, et les évaluations cognitives de la décision de sortie.
Comment se caractérisent les signaux de réputation et pourquoi sont-ils importants pour les OSBL ?
Les OSBL dépendent des contributeurs externes pour les dons et le financement. La confiance est reconnue pour jouer un rôle central dans cet échange et il a été démontré que les signaux de réputation peuvent améliorer la confiance envers une organisation. Ces signaux peuvent être classés comme formels ou informels.
Les signaux de réputation formels comprennent, par exemple, la certification par un tiers à partir de laquelle une institution externe et indépendante confirme qu'une norme de performance visée a été respectée. Il a été démontré que ces accréditations officielles favorisent la confiance et améliorent la crédibilité, la légitimité et la transparence perçues de l'organisation. Les signaux de réputation formels se sont ainsi déployés à l'échelle mondiale : les certifications de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) 9000 (liées à la gestion de la qualité), ou 14000 (liées à la gestion de l'environnement), en sont des exemples notables.
Les signaux de réputation informels, en revanche, sont plus difficiles à définir et leur interprétation est donc plus subjective. Ils peuvent être perçus comme l'auto-proclamation d'une qualité spécifique. Pour réaliser cette étude, nous nous sommes concentrés sur la qualité de l'entrepreneuriat social, qui devient de plus en plus importante dans le secteur sans but lucratif, et implique l'emploi d'un modèle d'entreprise à but lucratif pour avoir un impact positif sur les questions sociales ou l'environnement.
Qu'a révélé cette étude concernant la relation entre les signaux de réputation, la confiance des intervenants et l'intention de faire un don dans le contexte des OSBL ?
L'objectif de cette étude visait à déterminer si les OSBL, qui présentent une certification par un tiers indépendant et/ou qui disent être des entrepreneurs sociaux, ont eu un impact positif sur la confiance des intervenants et leur intention de faire un don, au regard d'un OSBL qui ne détient pas de signaux de réputation formels et informels.
L'expérience en ligne a mobilisé 248 étudiants, affectés aléatoirement à l'une des quatre conditions expérimentales : une description de profil d'un organisme à but non lucratif environnemental fictif qui n'incluait (i) aucun signal de réputation, (ii) ou incluait un signal de réputation formel sous la forme d'un tiers fictif-certificat de partie, (iii) ou un signal de réputation informel par l'ajout des mots « entrepreneur social », ou encore (iv) un signal de réputation formel et informel. Après avoir lu la description du profil assigné, les participants ont répondu à un court questionnaire.
Les résultats ont démontré que l'utilisation de signaux de réputation formels par les OSBL a une incidence positive sur la confiance des intervenants et l'intention de faire un don. De plus, c'est la confiance qui facilite la relation entre le signal et l'intention de faire un don. De même, les effets mesurés sont renforcés par la présence d'un signal de réputation informel. Nos conclusions suggèrent donc que les OSBL pourraient envisager l'inclusion de signaux formels et informels de réputation dans leurs stratégies de marketing.
L'influence des signaux de réputation et de confiance peut-elle être considérée au-delà du cas particulier des OSBL ?
Absolument. La faculté des signaux de réputation à améliorer la confiance des parties prenantes externes est importante pour toutes les organisations, même les écoles de commerce. GEM, par exemple, possède trois accréditations différentes émanant de tiers - EQUIS (European Quality Improvement System), AACSB (The Association to Advance Collegiate Schools of Business) et AMBA (The Association of MBAs). Toutefois, c'est la confiance qui influera la perception des signaux de réputation d'une organisation. Par exemple, si des signaux sont utilisés, mais que la responsabilité organisationnelle, la transparence et la communication font défaut, plutôt que de favoriser la confiance, les signaux peuvent en fait susciter de la défiance.
Quel est le lien entre l'importance des signaux de réputation pour les OSBL et votre doctorat sur les dynamiques de sortie entrepreneuriale ?
Le programme de doctorat à Grenoble École de Management est divisé en deux phases : la première phase dure deux ans, et porte sur une formation approfondie en méthodes et théories de recherche, tandis que les trois années suivantes sont consacrées à des travaux de dissertation. Dans le cadre de la première phase, j'ai suivi un cours de Design Expérimental enseigné par Carolina Werle et Olivier Trendel. Ce travail s'appuie sur la mission que j'ai effectuée pour ce cours qui impliquait la conception et la réalisation d'une étude expérimentale. Le potentiel des résultats a été identifié lorsque je les ai partagés avec mon réseau et mes co-auteurs, Annika Becker à la Lucerne School of Business et Yasir Mansoor Kundi à l'IAE Aix-Marseille, m'ont aidé à développer et réitérer l'expérience, puis à publier les résultats.
Comment ce travail influencera-t-il votre recherche sur les dynamiques de sortie entrepreneuriale ?
Dans le domaine entrepreneurial, et de façon plus générale, une conception expérimentale rigoureuse est fortement encouragée afin de démontrer la causalité des différentes interactions. En ce sens, ce travail a fourni une expérience inestimable dans la conception et la réalisation d'une étude expérimentale. Par exemple, un défi fondamental en conception expérimentale consiste à créer avec succès différentes descriptions de profil. Dans la présente étude, les quatre profils ont été créés par l'inclusion ou non d'un signal de réputation formel et/ou informel. Toutefois, la première fois que j'ai lancé l'expérience, le signal de réputation formel, représenté par une certification par un tiers, était trop petit et n'était pas placé suffisamment en évidence et le contrôle de manipulation a donc échoué. Ce fut une précieuse leçon parce que si cette première étape échoue, aucune hypothèse ne peut être prouvée à partir des résultats. J'utilise actuellement la même stratégie de conception expérimentale, mais dans mon domaine de recherche, afin d'étudier comment un signal de réputation, comme un label entrepreneurial durable, influe sur le prestige perçu d'une start-up et influence l'investissement dans la start-up – une démarche qui s'apparente aux dons aux OSBL.
Article: Shahid S., Becker A., Kundi Y. M. Do reputational signals matter for nonprofit organizations? An experimental study, Management Decision, 2021.